Publié le 6 octobre 2023–Mis à jour le 6 octobre 2023
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Être femme scientifique : entretien avec Constanza Rojas-Molina
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A l'occasion de la journée internationale des droits de femmes 2021, CY Tech a souhaité mettre en lumière des femmes scientifiques. Nous sommes allés à la rencontre de Constanza Rojas-Molina, enseignante-chercheuse à CY Tech.
Femme en sciences et mathématiques appliquées : pouvez-vous nous présenter votre parcours et votre métier ?
D'origine chilienne, je suis venue en France pour mon Master à l'université Pierre et Marie Curie. Suite à cela, j’ai fait un doctorat à l'Université de Cergy-Pontoise, aujourd'hui CY Cergy Paris Université. Durant mes études, je me suis intéressée à l'analyse mathématique des modèles physiques, notamment à l'étude des systèmes quantiques désordonnés. Ce sujet me passionne car on y trouve de l'analyse, des probabilités et de la physique. Ensuite, j’ai fait des séjours de recherche en Suède, en Slovénie et en Allemagne. Après un passage au groupe d'Analyse de l'université de Munich grâce à une bourse Marie Sklodowska-Curie et un post-doc au groupe de Probabilités de l'université de Bonn, j'ai été nommée professeure-junior en probabilités à l'université de Düsseldorf. Pendant ce temps, j’ai développé mes recherches, élargi mon réseau de collaborateurs et traversé des barrières disciplinaires entre l'analyse et les probabilités. J'ai eu la chance de rencontrer des personnes qui m'ont soutenue et encouragée à développer ma carrière scientifique, ce qui a été fondamental et qui fait que je suis ici aujourd'hui.
En parallèle à ma carrière en recherche, j'ai développé des activités d'illustration et de communication scientifique. Les maths sont une discipline très visuelle, où on dessine beaucoup ! Ayant toujours dessiné, ce fut très naturel pour moi de joindre mes deux passions : les maths et le dessin. J'ai donc un profil qui touche à la fois la recherche fondamentale, mais aussi l'art et la communication scientifique. En 2019, et sans doute grâce à mon profil, j'ai eu l'opportunité de revenir à Cergy pour faire partie de l'équipe du Bachelor Ygrec en Data Science de CY Tech. Ce programme représente une opportunité unique qui me permet d'être créative et d'explorer de nouvelles approches pédagogiques, avec un accent sur les mathématiques appliquées. C'est un vrai défi, car cela m'oblige à réviser mes connaissances en permanence et à discuter avec des experts d'autres disciplines. J'aime entamer des projets qui m'apprennent de nouvelles choses, donc quand l'opportunité s'est présentée, je n'ai pas hésité.
Illustration de Constanza Rojas-Molina, enseignante-chercheuse à CY Tech
Les métiers scientifiques et de la recherche sont souvent considérés comme des métiers d’hommes. En tant que femme de sciences, qu’en pensez-vous ?
C'est une impression qu'on essaye activement de changer en restructurant le système académique, avec plus ou moins de succès. Historiquement, ce métier était réservé aux hommes, ce qui explique que les conditions de travail leur soient plus adaptées. On a fait du progrès dans ce sens, mais la proportion des femmes dans la science continue d'être faible, et elle diminue au fur et mesure qu'on avance dans la carrière scientifique, jusqu'au point où les femmes deviennent presque absentes des positions de prise des décisions. Cela n'est pas une représentation réaliste de la société, ni des temps modernes. Notre société est en train de changer, les responsabilités que les hommes et les femmes partagent dans la vie privée sont en train de changer, c'est donc naturel que les métiers scientifiques s'adaptent aussi. Mais c'est une métier qui a tellement d'histoire, qui est tellement traditionnel, qu'il résiste au changement ! On a encore beaucoup de travail à faire. Mais je suis optimiste et je pense qu’avec beaucoup de persévérance, on pourra faire de ce métier un travail ou hommes et femmes seront accueillis dans des conditions égales, et où chacun pourra donner le meilleur de soi-même pour faire avancer la science.
Selon vous, qu’est-ce qu’apporte le fait d’être une femme dans les métiers de la Recherche et de la Science ?
Je rêve d'un jour où le fait d'être une femme passera complètement inaperçu, mais on est encore loin de ça. Je suis femme et étrangère. Alors forcément, faire partie d'une double minorité m'apporte un point de vue différent. Cela implique que, en plus de me poser beaucoup de questions sur les mathématiques, je réfléchis également beaucoup à la manière dont on travaille, à la manière dont on vit ce métier, à comment on peut construire une communauté autour de ça. Est-ce que ce métier est assez inclusif ? Est-ce que ce milieu est respectueux des différences ? Est-ce qu'il est accueillant envers les autres ? Je pense donc que les femmes apportent une forme de diversité : elles enrichissent les points de vue et les approches aux problèmes de mathématiques et aux problèmes de la société. Avec l'inclusion des femmes dans les métiers scientifiques, j'espère qu'on ouvrira ce secteur vers d'autres types de diversités. Et plus de diversité impliquera plus de richesse, plus d'idées, plus de collaborations et finalement, du progrès.
Qu’est ce qui vous passionne le plus dans votre métier de mathématicienne ?
Voir des idées grandir et prendre mon envol en la bonne compagnie de mes collaborateurs et collaboratrices.
De quoi êtes-vous le plus fière ?
D’être encore là grâce au soutien d’une famille et de collaborateurs merveilleux, qui me motivent à continuer à travailler.
Quels conseils donneriez-vous à une jeune femme qui souhaiterait poursuivre dans le domaine de la recherche, de la science et des mathématiques appliquées ?
D'abord, avoir un bon réseau de soutien, de la famille ou des amis, des gens qui pourront vous soutenir quand vous serez frustrée, quand vos calculs ne marcheront pas, quand vous ferez des fautes ou quand vous vous sentirez incompétente. Des moments comme ça, il y en aura beaucoup. Il est donc important d'avoir des gens avec qui discuter, passer les bons et les mauvais moments. Ensuite, il est important de se donner du temps pour réfléchir, ce qui implique de devoir apprendre à dire non. Et finalement, il ne faut pas se perdre dans les attentes et demandes des autres. Gardez toujours votre identité, vos principes et votre humanité, car les frustrations que vous rencontrerez pourront vous aigrir et vous rendre méconnaissable. Pensez qu'un jour vous devrez regarder en arrière, et là, il faudra que vous soyez satisfaite de la personne que vous êtes devenue.